mardi 30 juin 2020

Monsieur Camille et son jardin

 À force de planter racines dans une ville, de se dépoter et de replanter racines ailleurs... de se déraciner encore et encore et de revenir enfin... tout mon petit monde est changé. Chacun a sa vie. Alors il m'appartient, pour être heureuse, de découvrir de nouvelles voies, de nouveaux amis, de nouvelles expériences.

Un nouveau jardin collectif m'interpelle... Une belle affiche a « poussé » sur le bord du chemin et c'est gratuit... Je vais le visiter...

Un charmant monsieur d'un certain âge m'accueille. En fait, il a... 90 ans! Ma grand-mère avait dit, à 86 ans, qu'elle était trop jeune pour avoir une canne! Lui, il réalise enfin son rêve, avec quelques vieux amis, de créer un jardin collectif bio visant l'autosuffisance. Ses terres sont grandes et fertiles. Un trésor caché derrière les maisons que je côtoie depuis mon enfance. J'ai l'impression d'être ailleurs.

Disons que c'est un peu artistique... Beaucoup de coeur et un joyeux désordre. Ça m'enlève mes complexes de débutantes. Mais surtout, lui et son vieil ami sont heureux qu'une relative jeune femme comme moi viennent rafraîchir leur équipe... en toute humilité tout comme eux, sans plus. Presque comme leur fille.

Sa notion de « partage » m'a intriguée. De quelle façon ? Petite méfiance de lâcher prise sur mes semis, mon bout de terre... Ce qu'on peut devenir individualistes! Les premières communautés chrétiennes étaient basées sur le partage de tout. Moi je ne sais plus. J'ai appris à donner mais j'ai peu reçu. Et j'arrive quelque peu tard pour les vraies semailles... certains lots sont déjà bien fournis... J'ai de la misère à croire qu'on va les partager avec moi...

On a toujours du travail à faire pour évoluer... Ça viendra peut-être.



vendredi 26 juin 2020

C'est l'été!

Comme bien du monde cette année, dans notre confinement... j'ai semé.  J'ai toujours aimé regarder pousser les plantes. Mais là j'y ai été un peu fort...

L'été est arrivé... et avec lui, tous mes petits semailles du printemps que je me suis amusée à planter dans deux pieds carrés, ont joyeusement poussé... TOUTE la gang ou presque!

Complètement novice, j'y ai mis tous les sachets au complet. Sont tellement minuscules... Ça en fait de la graine!!!

Aînée rit bien de moi. Pas sûr qu'on pourra compter dessus pour se ménager une grocerie (épicerie)... Au moins, coudon, si ça peut être utile à nous rendre de bonne humeur...

 Alors que je suis déménagée pendant la relève de la garde auprès de mon père, c'est son gentil mari et beau-frère, qui me les arrose. Mais plus le temps passe, ça se bouscule là-dedans...

Sans même en faire la demande... je dirais que mère nature... ou plus efficacement... le bon Dieu y a vu.


dimanche 14 juin 2020

Rappelle-toi

C'est étrange. Parfois quelqu'un, quelque part, remet au-dessus de ma pile de billets de blogue, celui dont j'ai besoin de me rappeler...  C'est le cas aujourd'hui pour Artisan de paix. C'est le cas aussi dans Le Jour du Seigneur, à la télé. « Rappelle-toi du jour où je t'ai sortie de l'esclavage. Où je t'ai aidé à traverser le désert... »

Quand je reçois ces paroles fort à propos, ça me ramène sur mon chemin spirituel. Parce que je me rappelle tout ce qui a « été mis en place » pour que je sorte de ma situation devenue toxique cet hiver. Tous ces événements, du plus anodin au plus significatif, qui se sont entrecroisés pour me préparer à sortir... et préparer ma sortie.

Mais, comme pour les Juifs sortis d'Égypte, l'aventure ne s'arrête pas là. Elle continue dans le désert. Ce long périple où la nourriture et l'eau se font rares.  Dans mon cas c'est l'aide à mon père. Ces mises à l'épreuve de la foi et de tout ce qui gruge l'amour que nous avons les uns pour les autres... ma patience entre autres... dans ces mille gestes quotidiens quand on prend soin de quelqu'un...

« Rappelle-toi que je suis là. »

« Rappelle-toi pourquoi et pour qui tu le fais... vraiment. »


mercredi 10 juin 2020

Propos racistes


Tout ça pour vous raconter cette anecdote... (en espérant ne pas me répéter...)

Au cours de l'un de mes premiers week end à Montréal, lorsque j'étais étudiante à Québec, je suis assise dans l'autobus assez bondé. Un vieillard, un monsieur « blanc », sale, habillé en haillons et ivre est debout devant un monsieur en complet veston assis bien droit. Il est noir. L'itinérant, car c'en est un, se met à l'invectiver en anglais de manière assez agressive, comme si le monsieur noir était un moins que rien. Quel contraste absolument caricatural!

L'homme noir demeure silencieux, gêné, le regard baissé.

Je suis figée, comme tous les autres. C'est la première fois que j'assiste à une telle scène. Je n'interviens pas. La première des raisons est que j'ai peur d'envenimer la situation et que le vieux monsieur devienne violent. La seconde, je ne sais pas quoi dire ou faire. Peut-être que les autres sont dans la même situation. Au moins, personne n'en a rajouté. L'itinérant sort enfin. Je ne sais pas plus quoi dire ou faire. « Un ange passe »... silence. Je crois que j'ai pensé à ce moment qu'il valait mieux retomber dans la normalité des choses...

Longtemps après j'ai pensé : « J'aurais pu au moins lui demander s'il était correct. Lui dire qu'il ne fallait pas s'en faire, que l'homme avait des problèmes de santé mentale. » Ceci pour lui démontrer un minimum de solidarité et lui faire du bien après toute cette violence verbale.

Ce qui me frappe surtout dans cette scène, c'est le calme et la maîtrise de soi de ce monsieur noir. Bien sûr, il devait être extrêmement embarrassé et humilié. Mais il avait une telle classe. Celle des noirs humiliés pendant des siècles mais qui m'ont toujours apparu si grand dans leur âme, si beaux. Et dont la force tranquille et bien souvent les valeurs les ont porté... jusqu'à la présidence des États-Unis.






mardi 9 juin 2020

Mosaïque culturelle

Je suis toujours étonnée qu'il y ait encore des gestes racistes dans les actualités. J'ai parfois peine à croire que nous vivons tous en 2020. Est-ce dans la nature profonde de l'homme d'élaguer la différence, encore plus celles qui sont très visibles ? À tout élaguer, on se retrouve bien seul...

J'arrive de loin, des Îles de la Madeleine, où il n'y a pas d'autres « races » que les Acadiens (et les « adoptés » de la Grand'terre) et les anglais de la Grosse-Île et de l'Île d'Entrée. Ha oui, j'oubliais des Syriens commerçants qui se sont établis dans les années 50. Chez nous, chacun à son caractère mais on vit tous ensemble comme une grande famille. On est tous des insulaires.

Il y a eu un jour, dans les années 70, quelques Vietnamiens réfugiés des boat people. Après avoir refait leur vie, ils sont partis assez vite, me laissant navrée de la perte de leurs divins rouleaux vietnamiens. Il y eu aussi un couple de superbes africains, grands, élancés, noirs comme l'ébène, qui ont eu le premier bébé madelinot 100 % noir. Des gens très intelligents avec lesquels j'ai partagé quelques bons moments.  Il y a eu un prof de français, dont les élèves du secondaire imitaient l'accent en riant. Quelques noirs se sont mariés aux Îles. Très peu sont demeurés aux Îles en même temps. Et puis des bébés adoptés de Chine, d'Amérique latine et d'ailleurs.

Bon, soyons francs... j'aurais peut-être de la misère que nos Îles r'virent de bord au complet, comme les cormorans qui ont pris la place des goélands sur leur petit îlot. Et je ne suis pas nécessairement à l'aise avec tout le monde, mais chose certaine, j'ai du plaisir à cotoyer tous les gens qui démontrent du respect. Pour moi, ce sont toutes des personnes. Un peu comme cette artiste « bisexuelle » américaine qui avait dit qu'elle ne tombe pas en amour avec un homme ou avec une femme mais avec une « personne ».

Je l'ai compris aussi particulièrement à Montréal dans cette diversité culturelle propre à cette grande ville. Presque tous mes médecins montréalais sont des vietnamiens. Je connais une autre adorable famille africaine et un échantillon de la planète a vécu dans mon bloc appartement : Vénézuéliens, Brésiliens, Ukrainiens, Tunisiens, Algériens, etc. On s'est entraidé, on a partagé, et j'ai encore des liens avec certains. J'ai visité le Vietnam où j'ai adoré discuter en gesticulant et en riant dans mes négociations avec les Vietnamiennes.

Et que serait notre paysage culturel sans l'écrivain Dany Laferrière ? L'humoriste et scientifique Boukar Diouf ? L'humour de Normand Bratwaite ou le génie musical de Gregory Charles ? Les livres de Kim Thuy ? Ce n'est pas tant d'où ils viennent mais qui sont-ils ? Qu'ont-ils à nous apporter ? Et nous de même ?

vendredi 5 juin 2020

Accepter de recevoir

Pendant mon voyage sur la Côte-Nord, relaté en 2014, je me suis montrée ouverte à l'aventure, aux rencontres, aux désagréments, aux contrariétés dont j'arrivais à comprendre le pourquoi au fil du voyage. Mais il est une toute petite chose que j'ai refusée poliment : une barre de fruits séchés.

J'étais sur le bateau touristique des Îles Mingan. Au retour, une dame assise près de moi m'a gentiment offert cette petite bouchée. J'étais gênée d'accepter son offre, de la départir de sa nourriture, et je ne sais trop. Peut-être d'avoir l'impression de lui devoir un peu.

Ai-je passé à côté de quelque chose ? D'une information ? De quelques précieux échanges ?  J'ai à tout le moins compris qu'il nous faut aussi donner la chance aux autres d'être généreux...

Ainsi, ce moment dans l'autobus avec ce jeune homme triste m'a permis de lui offrir un petit bout de papier froissé et une prière toute simple. Il a su l’accueillir, simplement, sans résistance et avec reconnaissance... et ça m'a rendue heureuse.