mardi 21 juillet 2020

Un chapelet su' la corde à linge

C'est une tradition, en tout cas par chez-nous. On met le chapelet sur la corde à linge pour s'assurer qu'il fasse beau, pour un mariage par exemple.

Bon, je crois bien qu'il n'y a jamais eu de stats et de recherches le moindrement empiriques sur la question. 

Mais j'aime bien l'idée qui doit sûrement être enrobée de foi pour que ça marche le moindrement...

Cette année, à l'annonce d'une météo difficile pour la mise à l'eau des cages à homards, j'ai prêté mon petit chapelet en plastique fluo, à ma soeur et sa famille de pêcheurs. Celle-ci : « Ben pourquoi pas ? »

Faut dire que c'est une journée particulière avec ses 275 casiers montés en équilibre fragile sur un bateau et trois gars qui se promènent là-dedans... De plus, comme la pêche commence au début mai aux Îles, on est souvent confrontés au vent, à la houle, la pluie et même parfois la neige. Je suis toujours stressée pour eux au cours de la saison.

Par après, lorsque j'ai voulu récupérer le chapelet, ma soeur me dit : « Ben sais-tu... finalement... j'crois qu'on va le garder pour un bout.... »

 Ben vous saurez que malgré la COVID 19, le vent et le reste, la saison a été paspire pantoute!...

Bon, ok, maintenant c'est la pêche aux palourdes, etc...


vendredi 17 juillet 2020

Voulez-vous tu ?

 Il y a un mot que j'envie à la langue anglaise : YOU. Pas besoin de situer la personne sur l'âge, le statut, la hiérarchie et autres. Pas de choix entre « vous » et « tu ». D'ailleurs, bien que se voulant très respectueux, le premier « vous »  est une onde de choc, surtout lorsqu'il provient d'un plus jeune. On prend dix ans dans le temps de le dire...

À l'épicerie, un petit jeune commis me demande : « Veux-tu un sac madame ? » J'ai un sourire. Encore plus difficile de se situer aux Îles.

Comme je tutoyais mon prof, dans un cours universitaire, je finis par lui dire qu'aux Îles on tutoie tout le monde. « Même le pape je crois bien que je le tutoierais au bout de dix minutes... (avec beaucoup de respect tout de même).  Mon confrère madelinot me glisse : « Au bout de cinq minutes! »

Bref, j'ai beaucoup de difficulté à vouvoyer. Surtout aux Îles et quand on devient familier. Mais étonnamment, j'ai le goût de vouvoyer monsieur Camil et son équipe du même âge du jardin collectif. Je le gêne car il est très humble et un bon Madelinot. C'est comme un grand respect qui s'installe devant cet homme doux au grand rêve de partager son jardin.

Lorsqu'il insiste, je le tutoie... puis le « vous » revient.

Ben... voulez-vous tu ?

lundi 6 juillet 2020

L'homme qui plantait des graines

Avec son chapeau à larges bords, pratique pour contrer les rayons du soleil, voilà à qui Monsieur Camille me fait penser : au dessin de Richard Bach dans L'homme qui plantait des arbres. (À voir ou à revoir absolument sur You Tube pour se faire du bien...). À ce vieux monsieur qui, ayant réellement existé, a planté patiemment sur des terres arrides, un gland à la fois, jusqu'à en faire une magnifique forêt.

Monsieur Camille sème une graine à la fois. J'oublie son âge lorsque je le vois travailler dans son jardin. Une force tranquille et d'une grande humilité. Il recouvre les graines de terre avec délicatesse, voire avec amour. Il ne parle pas beaucoup, ne pose pas de questions. Moi non plus. J'entre dans le monde où je suis accueillie, simplement.

Il travaille en silence. 

Je ne sais pas ce qu'il a fait dans sa vie. Ni lui ce que j'ai fait dans la mienne. Ce n'est pas important. Nous sommes dans l'« ici-et-maintenant ». Dans le soin apporté à la terre, aux légumes, à la vie.

Et en réalisant son rêve, Monsieur Camille donne une partie de ses récoltes à la banque alimentaire.


dimanche 5 juillet 2020

Le petit chapeau de paille

Monsieur Camille m'a présenté ses serres, sa terre et la parcelle que je peux cultiver.  Notre rencontre se termine près de l'auto. J'ouvre la porte et il découvre mon petit chapeau de paille. En fait, c'est peut-être même un chapeau d'homme avec un petit ruban noir. Ça me donnait un genre... et puis j'en ai acheté un deuxième dans le même style, plus féminin avec un ruban coloré.

Son regard est à la fois amusé par cette originalité, mais je suspecte aussi un peu d'envie. Il a les yeux brillants.

Nous sommes à peu près de la même taille. J'ai bien failli le lui offrir mais je me suis retenue pour des raisons purement cartésiennes. Pourquoi lui donnerais-je, sans même savoir si je m'investirai dans ce projet collectif ?

Mais je n'ai pas mûri (hi, hi) l'idée bien longtemps. Au cours de la deuxième rencontre, il m'offre une place dans la serre pour mes bébés semis, quelques feuilles de salade déjà prêtes et un bon terreau pour les semis que je vais encore ramener...  Je lui offre.

« Voulez-vous mon chapeau ? »

Il sourit.  « Ici on prend tout ce qu'on nous donne » .

« C'est pour vous celui-là.  J'en ai un autre »

Sans plus se faire prier, il prend le petit chapeau de paille.  Puis je le vois s'en aller lentement... Il enlève son grand chapeau de paille élimé et se coiffe du nouveau qui lui va parfaitement.

Et moi de jubiler : « Je le savais qu'il vous irait!!! » C'est pour vous remercier de m'accueillir dans votre jardin! »

Je le vois s'éloigner tout heureux de son cadeau.