jeudi 28 mai 2020

Le Jour du Seigneur : un prêtre et des jeunes

Père Le Rouzès  nous raconte ce précieux moment de rencontre avec des jeunes cools dans un parc : 


« Je me rappelle d’un beau samedi après-midi de 2009j’ai eu à rendre compte de mon espérance. J’étais avec ma communauté et nous étions partis pour le parc Baldwin, non loin de Coaticook. À notre arrivée, moins d'une dizaine de jeunes du coin, entre16 et 20 ans, jouaient au Volley-ball de plage. Dès notre arrivée, ils nous invitent à jouer avec eux. Ce qu'il faut savoir, c'est que ces jeunes, casquette à l’envers, bière à la main, torse nu ou en camisole, étaient quelque peu intimidant par leur langage n’empruntant pas toujours à la littérature française. Malgré tout, une amitié s'engage. Rémi, un frère de ma communauté prend le temps d'apprendre le nom de chacun. Puis les conversations s'engagent sur l'avenir, les désirs de chacun; une des filles est au secondaire et ne sait pas trop ce qu'elle veut faire plus tard, l'autre aimerait bien faire son cours pour véhiculer des pelles mécaniques, l'autre aimerait partir une compagnie. C'est ainsi qu’au coeur d’une conversation assaisonnée d’une légère odeur de bière et d'un langage empruntant à la sacristie, l'Esprit Saint prenait tranquillement les devants. Les jeunes se confiaient à nous simplement parce que l'on s'intéresse à eux. Puis l'un d'entre eux, Jean-Thomas, m’interroge directement : 

« Pourquoi as-tucidé d’être prêtre? » 

---« C'est parce que j'ai rencontré l'amour de Dieu ».  

On se met à parler de Dieu, la plupart affirmant leur incroyance. Alors je leur pose la question : « Oui, mais c'est quoi pour vous le sens de la vie ? 

« Unanimement, ils fanfaronnent : « C'est foirer, boire de la bière, avoir du fun » 

--- « Et après la vie, qu'est-ce qu'il y a ? »

--- « Y a rien! C'est fini"... »

J’y vois alors une actualisation glaciale de ce que Paul disait : « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons. » (1Cor15,32). Pourtant, le ton se met doucement à changer lorsque l'un d'eux avoue avoir été protégé miraculeusement après avoir percuté un garde-fou à 140 km/h, sans ceinture de sécurité. Il s’en est sorti indemne, ce qui était à son sens impossible. Un autre avoue du même souffle lui aussi avoir été protégé mystérieusement après s'être endormi au volant et que sa voiture ait plongé dans une rivière. Aucune quelle. 

 Dès lors, sur cette révélation inespérée, je me mets à leur parler alors de la vie éternelle, de l'amour de Dieu, de l'importance de faire de bons choix pour réussir sa vie, de la beauté et de la fragilité de l'amour humain. Mon cœur brûlait au fond de moi alors que je pouvais leur parler de Jésus et que leur yeux passaient à leur insu de l'indifférence à la fascination. Je nous sentais habité par une atmosphère tout autre. Je sentais que j'aimais ces jeunes plus que moi-même. Derrière leur armure d'adolescents blasés, des cœurs d'enfants assoiffés. 

Vers la fin de l'après-midi, je sentais qu'on ne pouvait les laisser partir sans leur donner quelque chose qui puisse leur rappeler cette rencontre. Avec Rémi, nous partons mendier auprès des autres frères et sœurs de la communauté des médailles, des chapelets, des images saintes, bref, tout ce qui pourrait être susceptible d'être béni. C'était en réalité une gageure : qu'est-ce que ces jeunes allaient faire avec des objets bénis... ? Les regarder avec dédains, au mieux, avec indifférence ?

En réalité, la surprise allait être totale! Nous revenons auprès de ces jeunes avec les objets bénis et je leur explique : « Pour moi, notre rencontre a été tellement belle que je voulais vous laisser un souvenir de notre rencontre. J'ai demandé à tous ces jeunes que vous voyez s'ils voulaient bien se départir d'un objet béni pour vous le donner. Alors, voyez tout ce qu'ils vous donnent! ». J'ouvre mes mains remplies de chapelets et de médailles. Dès lors, l'inouïe se manifeste; les jeunes se précipitent comme des assoiffés : « Moi, je veux un chapelet! Moi, une médaille! » « À tel point qu'on manqua de chapelets et de médailles. Il fallu repartir pour demander l'aumône : « Avez-vous d'autres chapelets et de médailles ? » Et j'ai vu l'une ou l'autre faire les sacrifices silencieux d'une médaille ou d'un chapelet très affectionné ou d'un chapelet pour que ces jeunes puissent repartir avec quelque chose. 

Et le plus surprenant, c'est que les deux garçons les plus leaders du groupe m'ont interpellé : « Hey! T'es prêtre! Tu peux bénir! Peux-tu me bénir? Il me semble que ça ira mieux dans ma vie! » Mon cœur a alors fait trois tours, ne m'attendant jamais à cette demande. « Mais bien sûr!! », lui répondis-je les yeux pleins d'eau, en mettant la main sur son front pour y invoquer l'Esprit Saint. « Moi aussi!», s'écrit l'autre en levant sa casquette. Comment a-t-on pu en arriver à une telle profondeur...? Si ce n'est parce que l'amour de Dieu avait envahi leur cœur et que leur soif de Lui s'était brusquement éveillée. 

À la fin de la journée, lorsque nous sommes partis du parc Baldwin, nous avions le coeur gonflé d'action de grâce. Je les revois encore, ces jeunes, torse nu ou camisole décolleté plongeant, canette de bière dans une main et chapelet dans l'autre, nous offrant de larges sourires en guise d'aurevoir et des yeux qui avaient mystérieusement repris vie... Je l'avoue aujourd'hui, je n'aurai jamais vécu cela si je n'avais pas, ce jour-là, obéi à la parole de Jésus et si je n'avais pas affronté la peur initiale que j'éprouvais de ces jeunes. Rendre compte de mon espérance n'est jamais chose facile. C'est pourquoi l'Esprit Saint est là. Mais le premier évangélisé ce jour-là, ce fut moi. 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire