dimanche 2 juillet 2023

Madame Denise

Qui a dit que les personnes en pertes cognitives n'ont connaissance de rien ? 

Mon père est au centre depuis quelques mois, très doux, aimant tout le monde, reconnaissant des soins apportés par le personnel. Jasant comme il le peut avec les autres usagers, souriant la plupart du temps. Il est arrivé debout, puis ce fut la marchette, puis la chaise roulante.  Mais, étonnamment, cette dernière lui redonne une forme d'autonomie puisqu'il peut se promener partout. Bien sûr, il rêve de revenir à la maison, mais ce n'est plus possible.

Soeur aînée a pris soin de bien décorer sa chambre avec de beaux tableaux, des portraits, son diplôme, quelques meubles de la maison. Comme si tout son univers était rassemblé dans cette pièce. Tous ceux qu'il a particulièrement aimés. C'est rassurant pour lui... et moins déprimant pour nous. Ce sont aussi des sujets de discussion... et il y a beaucoup d'amour. 

Nous visitons régulièrement notre papa. Et de ce fait, nous connaissons un peu ses co-locataires, pour la plupart eux aussi en pertes cognitives. Nous chantons avec eux. Comme dit Héléna : « C'est du bonheur! ». C'est beau et étonnant de voir que ces personnes qui oublient parfois le nom de leurs parents, se rappellent les paroles des chansons. C'est comme une grande famille... incluant le personnel. 

L'une des voisines de cet étage, petite Madame Denise, aime bien venir dans sa chambre pour le visiter. Mais, dans ce dernier soir de la vie de mon père, elle y entre le regard triste où je lis l'inquiétude. Elle ne comprend pas pourquoi il ne sort plus, pourquoi il est au lit depuis une semaine. Le préposé se prépare à la sortir pour me laisser le veiller tranquille, mais je comprends l'importance de lui laisser aussi un moment avec mon père. Je fais donc signe au préposé que c'est correct et j'invite cette amie à s'assoir. Je n'ai pas connu Madame Denise en dehors de ce centre. Je l'aime bien. Elle est douce et gentille. Triste aussi.  Elle s'est assise un bout de temps. Puis elle a regardé mon père en demandant : « Quand est-ce qui va se lever ? » Enfin, après un moment, elle s'est levée, lourdement, et elle est sortie. 

L'expérience-papa a été difficile bien des fois, mais j'ai tellement appris. J'ai rencontré plein de gens et un univers que je n'aurais pas connu autrement, celui de proche aidant. Mais aussi celui des préposés, du personnel infirmier, des autres résidents et leurs familles. Nous avons chanté et dansé ensemble. Nous avons égrené le temps ensemble. Nous avons aimé les nôtres ensemble.

Les personnes en pertes cognitives ont perdu bien des choses... mais elles connaissent leur bonheur. Il est dans l'amour.

mardi 2 mai 2023

Bye papa

Mon petit papa d'amour nous a quitté l'an dernier. Au moins, Dieu nous l'a laissé longtemps parmi nous. 

Avec la vieillesse, il perdait tranquillement ses fonctions cognitives. Nous l'avons gardé tant que l'on a pu à la maison familiale, mais un jour, il a bien fallu le confier à d'autres.  S'il ne nous reconnaissait pas à chaque fois, il a toujours reconnu et apprécié l'amour de sa famille... et du personnel soignant. Il en était reconnaissant.  Y a-t-il quelque chose de plus rassurant pour un enfant que d'observer les gestes doux et patients du personnel qui prend soin de son parent ? 

Chaque soir nous le visitions, en alternance, et nous l'aidions à réciter ses prières. Celle du petit papier jaune et le Notre Père. Parfois il y intégrait les membres du personnel quand ils se glissaient dans la chambre pour le préparer au dodo. Tout comme à la maison, ce moment calmait beaucoup son anxiété. Et, lui qui a prié toute sa vie durant pour que son « chum Jésus » l'aide à guérir ses acouphènes et ses maux de tête... et bien imaginez-vous donc que le miracle a eu lieu! Peut-être était-ce à cause de ce nouveau bâtiment aseptisé, aux murs plus étanches et moins sensibles aux variations barométriques ? Je ne sais pas. Mais sa dernière année a étonnamment été plus sereine. 

L'épisode de la COVID-19 a fait en sorte que cet homme très croyant et pratiquant ne pouvait plus aller à la chapelle. Alors j'ai pris l'initiative de lui  « apporter Jésus » par la communion. Il en était très heureux. Deux semaines plus tard, il est tombé. Le médecin a d'abord parlé de soins de conforts puis de soins palliatifs. C'est arrivé rapidement, sans qu'on s'y attende vraiment. On l'a accompagné pendant une semaine. 

Dans ces moments-là, je prie pour que « tout se passe bien » dans cette incertitude de chaque jour. On navigue à vue, avec l'intuition du moment. Surtout de celui où on doit commencer à le veiller, la nuit. Deux jours avant qu'il nous quitte, il trouve la force de sortir son bras de sous le drap, et de faire son signe de croix en regardant avec amour et confiance celle que nous avons placée sur le mur. Une petite croix de rameau et un chapelet. 

Et puis nous avons eu droit aussi au miracle que sa soeur, partie à Montréal, qui avait pris son billet de retour quelques semaines plus tôt, est arrivée juste à temps pour le saluer une dernière fois, et le neveu loin, loin, toute la famille et le prêtre.

Aidé aussi par la morphine, il faut le dire, mais surtout par sa foi qui ne l'avait pas lâchée malgré son déclin cognitif, cet homme qui a été anxieux toute sa vie est parti dans une grande sérénité.

Un membre du personnel m'a déjà dit : « Ceux qui sont croyants, nous on le voit chaque fois, ça fait toute la différence quand vient le temps de partir ». 




Le calme après la tempête

D'abord réglons la question de la météo de mon avant dernier billet précédent. Je ne sais pas à combien sont montées les pointes de vent cette fin de semaine-là, mais la maison a tremblé quelque peu au cours de la nuit, comme de grands frissons. 

 J'en suis venue à penser m'acheter un drône pour vérifier mon toit après le passage de grosses tempêtes. Brillant, n'est-ce pas ? Moi qui n'est pas très techno, ça veut tout dire!

Un groupe de prières s'est même formé aux Îles pour la protection de nos berges et contrer l'érosion. Peut-être que ça influence, qui sait ? Le temps a été assez calme tout l'hiver...